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Dernière mise à jour : 3 avr.




Le 17 mars 2023, la Cour Pénale Internationale a émis un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine pour « déportation illégale d’enfants. » Au moment où la Russie s’enlisait en Ukraine, on pouvait imaginer que la justice internationale réussirait peut-être à taper du poing sur la table pour que cessent les crimes de guerre. Ce n’était bien sûr qu’une illusion. En réalité, il reste difficile pour les organisations internationales de juger les dirigeants politiques responsables de tels crimes, particulièrement les occidentaux. Ce besoin urgent se fait pourtant ressentir. Serait-il un jour envisageable de voir la Cour se saisir d’affaires ayant considérablement déréglé voire endommagé l’ordre international ?


LA DÉFAILLANCE ACTUELLE DU SYSTÈME JUDICIAIRE INTERNATIONAL


Dans sa marche vers la paix, au lendemain de la seconde guerre mondiale, la communauté internationale a tenté d’inscrire dans le marbre de la Charte des Nations Unies sa volonté de mettre fin aux conflits armés entre États, qui venaient par deux fois en moins d'un siècle de réduire l’humanité à l’abomination et la cruauté. Elle s’est par ailleurs dotée d’outils pour mener à bien sa mission, celle de maintenir la paix à tout prix sous la direction de son Conseil de Sécurité. Parmi ces outils, la Cour Internationale de Justice (CIJ) a été imaginée afin de régler les différends entre États. Elle se distingue cependant des tribunaux pénaux puisqu’elle n'est « pas compétente pour juger des personnes physiques accusées de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité. N'étant pas une juridiction pénale, elle n'a pas de procureur susceptible de lancer des poursuites. » Dans le cadre de la défense de la souveraineté des États, la CIJ ne peut donc se saisir d’une affaire qui empiéterait sur les compétences d’un tribunal national. Elle peut encore moins juger un dirigeant politique suspecté d’avoir commis des crimes de guerre.


Face aux horreurs qui ont émaillé le XXème siècle, ce besoin s’est imposé. Le 17 juillet 1998, le Statut de Rome fonde la Cour Pénale Internationale, une instance de justice chargée, justement, de juger les personnes. Cette juridiction internationale également située à la Haye, aux Pays-Bas, comprend 123 États membres et un procureur qui peut se saisir d’affaires relevant de crimes de guerre, crimes contre l’Humanité, crimes de génocide, et crimes d’agression. Cet organe promettait donc de juger et punir les responsables physiques (non les États) de ces crimes. Problème, après la signature du traité, 31 États ne le ratifient pas. Parmi eux, États-Unis, Iran, Russie, Israël, Inde. La Chine, présente, ne signe même pas le traité.


Officiellement, les États-Unis ne s’opposent pas à la Cour mais mettent en avant la possibilité qu’elle « empiète » sur la mission du Conseil de Sécurité, dont ils sont un membre permanent. Pour faire au plus simple, si les administrations démocrates furent plutôt enclines à discuter avec la Cour, sans pour autant la rejoindre, les administrations républicaines, au contraire, y sont particulièrement hostiles. Ainsi, George W. Bush retire la signature des États-Unis en mai 2002, promulgue une loi permettant de soustraire à la Cour les ressortissants américains résidant sur le territoire d’un État membre et met la pression sur les États d’Amérique Latine qui seraient tentés d’y adhérer. Un climat de menaces renouvelé sous la présidence Trump avec l'adoption de sanctions visant le personnel de la CPI.


Dans sa déclaration du 31 décembre 2000, Israël se félicite d’être « à l’origine de l’idée d’une Cour Pénale Internationale » tout en exprimant sa « profonde déception et son regret qu'on ait inséré dans le Statut des dispositions conçues pour répondre aux objectifs politiques de certains États. » Entendez par là l’intégration des actes de colonisation comme crimes de guerre. La Chine, elle, n’a pas signé le traité arguant entre autres qu’une telle Cour irait à l’encontre de la souveraineté des États. Enfin, la Russie, après avoir signé in extremis le Statut de Rome en 2000, en a retiré sa signature en 2016.


En vérité, ces pays connaissent bien les risques auxquels ils s’exposent en ratifiant le traité. Car les responsables du « désordre international » sont souvent à trouver parmi leurs dirigeants. Les multiples interventions américaines, dont certaines sans l’aval du Conseil de Sécurité, ont considérablement déstabilisé de nombreuses régions dans le monde, provoqué la mort de millions de civils, et encouragé le terrorisme international et les migrations forcées. Les velléités impériales de la Russie ont précipité un réarmement massif parmi ses voisins, déraciné et séparé des familles entières. La Chine impose sa loi, par une double puissance économique et démographique, aux pays d’Asie concernant les zones terrestres et maritimes qu’elle entend défendre, et parfois même à ses partenaires dans le monde, ou s’évertue encore à bafouer les droits de l’Homme au sein de sa propre population. Israël s’amuse des multiples résolutions condamnant ses actes dans les territoires palestiniens, envahi et bombarde le Liban ou la Cisjordanie sous le prétexte de la sécurité. On compte d’ailleurs pas moins de cinquante résolutions appelant l’État hébreu à respecter le droit international. Tous ces exemples ont soi déjà profondément transformé les relations internationales, soit sont en passe de le faire. Le fait de ne pas ratifier le Statut de Rome empêche donc la Cour de poursuivre les personnes qui se lancent dans des opérations à grande échelle qui ne font que saper de — déjà — fragiles ententes parmi les diplomaties des grandes puissances.


UNE IMPUNITÉ OCCIDENTALE QUI SCLÉROSE LES NATIONS UNIES


On le constate amèrement, il est à l’heure actuelle impossible de juger pleinement les responsables de crimes de guerre. Par conséquent, de nombreuses critiques ont émergé à l’égard de la CPI, notamment parce qu’elle tend à se focaliser sur les pays du « Sud Global », plus particulièrement africains. Il est vrai que l’immense majorité des personnes jugées par la Cour sont africaines. Cela s’explique d’abord parce que de nombreux pays africains ont, eux, ratifié le statut de Rome, et aussi parce que l’Afrique est un continent instable politiquement.


Mais l’Union Européenne dans son ensemble a également ratifié le statut. Or, aucun dirigeant ou ex-dirigeant européen n’a été inquiété à ce jour par la CPI. Sûrement parce que l’Europe vit en paix depuis la fin de la seconde guerre mondiale ? Sur l’axe des relations internationales, le spectre est large. Le crime d’agression, notamment, reste très difficile à établir. Dans sa définition officielle, il s’agit de « l'emploi par un État de la force armée contre la souveraineté, l'intégrité ou l'indépendance d'un autre État », un chef d’inculpation mis en place aux procès de Nuremberg qui constitue désormais la plus haute accusation possible dans les relations internationales et celui à la dimension politique la plus forte. Sa création permettait de restreindre au maximum l’empreinte Westphalienne qui caractérisait les relations entre États par le cycle infini entre guerres et traités de paix. Dans ce contexte désormais, est-il inconcevable que des dirigeants occidentaux puissent se retrouver accusés de tels crimes ?


La Russie fait de la Libye son argument favori afin de légitimer ses actions belliqueuses

Le cas de la Libye en 2011 reste assez emblématique. Alors que la R2P, comprenez la Responsabilité de Protéger les Populations peut incomber depuis 2005 au Conseil de Sécurité des Nations Unies, la résolution 1973 prévoyait l’établissement d’un pont aérien ouvert à tous les États dans le simple but de protéger la population libyenne, après d’inquiétantes menaces de son dirigeant Mouammar Kadhafi. Mais la France de Nicolas Sarkozy et la Grande-Bretagne de David Cameron vont largement outrepasser le droit ouvert par la résolution en bombardant les troupes de Kadhafi, le conduisant à sa perte. Barack Obama est furieux, mais ce n’est rien à côté des Russes et des Chinois qui se sentent floués après s’être abstenus. Sur les bases du modèle irakien, la Libye tombe en désuétude en devenant à son tour un État failli où les milices s’affrontent et les groupes terroristes pullulent tandis que la Russie en a fait son argument favori afin de légitimer ses actions belliqueuses.


Les dirigeants des pays occidentaux parties à la CPI qui ont mené des raids illégaux sur un pays souverain, conduisant à une telle déstabilisation ne devraient-ils pas rendre des comptes à une Cour Pénale ?

Cette action entreprise au nez et à la barbe du Conseil de Sécurité n’a pas conduit à de quelconques sanctions par la CPI vis à vis des dirigeants français et britanniques. On peut s’en étonner. En ne ratifiant pas le statut de Rome, les américains protégeaient directement leurs ex-dirigeants responsables du chaos en Irak (George W Bush vit une retraite paisible dans son ranch texan, tandis que Colin Powell et Donald Rumsfeld ont fini leurs jours sans être inquiétés par la justice), mais les dirigeants des pays occidentaux parties à la CPI qui ont mené des raids illégaux sur un pays souverain, conduisant à une telle déstabilisation ne devraient-ils pas rendre des comptes à une Cour Pénale ? Dans ce contexte, il n’apparait pas impossible de se saisir du dossier libyen et de juger les dirigeants qui ont pris de telles décisions. C’est là que le sentiment d’impunité prend tout sons sens, et on a l’impression que l’on est plus facilement tenté de faire de Mohammed Ben Salman un paria pour son rôle dans l’assassinat de Jamal Khashoggi que de condamner un ancien président occidental pour avoir contribuer à une transformation régionale qui a sérieusement endommagé l’architecture de sécurité internationale.


Une impunité occidentale qui devrait avoir du mal à passer auprès des dirigeants de pays qui ont davantage de risques d’être inquiétés par la CPI. Une impunité qui contribue également à scléroser le Conseil de Sécurité de l’ONU. Face aux jeux de pouvoir qui s’étendent toujours plus depuis la fin de la Guerre Froide, la mainmise des membres permanents ne fait qu’accroître les tensions. Si personne n’est en mesure de savoir si la mise en examen de dirigeants allant à l’encontre de la Charte de l’ONU et conduisant à des conséquences dramatiques aurait un impact dissuasif sur de futures décisions, elle pourrait en tout cas permettre de faciliter l’adoption et l’application de certaines résolutions. Or aujourd’hui, le Conseil n’est plus du tout le garant d’un quelconque dialogue ou d’un compromis, parce que chaque puissance qui le compose ne joue que pour son intérêt ou celui de ses alliés, en encore contre les intérêts de ses propres adversaires. À ce titre, nul ne semble en mesure de contester que, grâce au véto américain, l’État hébreu, ou encore le régime syrien grâce au véto russe, sont quasiment des membres permanents du Conseil de Sécurité.


Si l’ONU permet toujours de stabiliser des situations explosives, elle est aujourd’hui constamment affaiblie par ceux qui l’ont voulue et créée. Ils l’ont fabriquée à leur image et selon leur volonté. Sa remise en question est désormais vitale. Cela passe, entre autres, par le besoin de juger ceux qui, en outrepassant leurs droits, provoquent le chaos dans de multiples régions afin de servir leurs intérêts électoraux.


LES CONSÉQUENCES DE L'IMPUNITÉ SUR L'ORDRE INTERNATIONAL


Longtemps, l’impunité a été considérée comme un « mal nécessaire », même au sein des instances de l’ONU, et les amnisties et auto-amnisties demeuraient dans la vie politique de nombreux États. En effet, on considérait alors que l’impunité favoriserait la transition démocratique ou le retrait des armées du spectre politique. Une sorte de « pragmatisme permissif » qui avait un sens, par exemple dans une Amérique latine particulièrement gangrénée par les dictatures militaires. Mais l’impunité des grandes puissances a des conséquences bien différentes pour l’ordre international car elle favorise un intérêt tout particulier au sein même d’un environnement collectif. Par ailleurs, la création de différents tribunaux internationaux pour juger les crimes commis en ex-Yougoslavie ou au Rwanda ont petit à petit injustifié ce discours et aussitôt renforcé le droit international.


L'absence de répercussions significatives pour cet acte a souligné les limites de l'autorité de l'ONU et a contribué à un sentiment généralisé d'injustice et de déséquilibre dans l'application des principes de droit international.

L'impunité accordée à certains dirigeants de puissances mondiales porte gravement atteinte à la légitimité et à l'efficacité des institutions internationales, comme l’ONU et la Cour Pénale Internationale. Lorsqu'il n’existe pas de conséquences judiciaires face à des actes répréhensibles, que les normes internationales peuvent être violées sans risque de sanction, on assiste à une érosion de la confiance placée dans ces institutions, qui compromet leur rôle en tant que garants de la justice et de l'ordre mondiaux. Pire encore, il semble même que le Conseil de Sécurité de l’ONU soit parfois devenu l’inverse de ce pourquoi on l’avait créé. Ainsi, doit-on y autoriser l’usage de la force unilatérale ? Tout recourt à la force n’est normalement pas permis sans le consentement du Conseil de Sécurité. L’invasion de l’Irak sans son approbation, entreprise en 2003 par les États-Unis, a non seulement remis en question la légitimité des interventions militaires sur la scène internationale, mais a également mis en lumière l'impunité dont jouissent certains acteurs majeurs du système international. L'absence de répercussions significatives pour cet acte a souligné les limites de l'autorité de l'ONU et a contribué à un sentiment généralisé d'injustice et de déséquilibre dans l'application des principes de droit international. Cette situation a exacerbé le scepticisme envers la capacité des institutions internationales à agir de manière équitable et efficace, particulièrement lorsqu'il s'agit de tenir les grandes puissances responsables de leurs actions.



L'absence de poursuites contre les responsables de crimes de guerre et d'agressions encourage, entre autres, d'autres acteurs qui attendent patiemment avant de recourir à la force, perpétuant ainsi le cycle de la violence et de l'instabilité. L'impunité peut servir de précédent, incitant à de nouvelles agressions en l'absence de crainte de sanctions. Si le 11 septembre 2001 marque le début d’une nouvelle ère, celle d’un monde que les occidentaux ne peuvent plus modeler à leur guise, alors ils n’en ont pas saisi toutes les composantes. Et c’est pourtant là la différence avec les jeux de pouvoir, de soutiens politiques et d’alliances qui ont accompagné la Guerre Froide. Dans les premières années du XXIème siècle, les dirigeants occidentaux n’ont pas saisi l’évolution du jeu international. S’il subsiste encore largement des inégalités entre « pays du Nord et du Sud », ces derniers sont de plus en plus sûrs de leurs forces, saisissent les tenants et les aboutissants de la diplomatie mondiale et ne s’alignent plus aveuglément avec les plus riches, même si cela peut servir leurs intérêts à court terme. Ils sont au fait de la différence de traitement par la justice internationale et se servent des actions passées pour justifier d’actes répréhensibles. Aujourd’hui encore, l’intervention militaire en Libye reste un tournant dans le spectre des institutions internationales, tant pour le manque d’autorité de l’ONU, que pour justifier des attaques sur la souveraineté d’autres pays. La volonté de Vladimir Poutine d’envahir l’Ukraine découle aussi de cette action non réprimandée.


Bien entendu, impossible dira-t-on, pour les dirigeants français, britanniques ou états-uniens d’avoir une quelconque vision sur les conséquences à moyen ou long terme de leurs décisions. Pour autant, le droit international reste une base solide pour empêcher de tels actes. La fabrication de preuves destinée à l’invasion d’un pays en plein Conseil de Sécurité demeurant impunie, voilà qui encourage le désordre international. Malheureusement, nous l’avons vu, la seule juridiction capable de juger et punir les auteurs de crimes de masse n’est pas reconnue par l’ensemble des acteurs internationaux, et certainement pas par les premiers concernés.


VERS UNE RÉFORME DES ORGANISATIONS ET DE LA JUSTICE INTERNATIONALES


Dans les faits, il demeure bien entendu crucial d'élargir la reconnaissance et la juridiction de la Cour Pénale Internationale. Cela impliquerait que davantage d'États ratifient le Statut de Rome et acceptent la compétence de la CPI sur leur territoire, y compris pour les crimes d’agression. Hélas, il est absolument impossible de s’assurer que tous les États ratifient le Statut. D’autant plus qu’avec l’alternance des partis qui caractérise la démocratie, nombre de dirigeants auraient vite fait d’en sortir manu militari, une fois élus. Pour assurer que les dirigeants politiques et militaires soient tenus responsables de leurs actes, la création d'un tribunal spécial ou l'intégration d'une nouvelle chambre au sein de la CPI pourrait être envisagée. Cette entité serait spécifiquement chargée de juger les crimes d'agression, comblant ainsi une lacune importante du système judiciaire international actuel. Mais sans reconnaissance, l’apport de cette chambre resterait symbolique et servirait surtout à alimenter les médias. Une sorte de « justice de communication » dont on ne peut, à l’ère des réseaux sociaux, faire abstraction. Sans pouvoir garantir la condamnation de dirigeants mis en cause, une entité spécialisée au sein de la CPI pourrait, sous l’égide de l’ONU, avoir le droit de communiquer le résultat de ses enquêtes et les soumettre à la fois au Conseil de Sécurité, mais aussi à l’Assemblée Générale et à la société civile.



C’est surtout l’établissement d’un nouveau cadre législatif multilatéral qui devient l’urgence. D’abord parce que les relations internationales ont considérablement évolué depuis la fin de la Guerre Froide, et encore davantage depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, mais aussi et surtout parce que les conséquences, pour tous les États, y compris ceux qui profitent d’une impunité quasi-totale depuis plusieurs décennies, s’avèrent à chaque fois désastreuses. Il importe de miser sur des réformes qui visent à accroître, à long terme s’il le faut, l'efficacité de la justice internationale en assurant que personne, quel que soit son statut ou la puissance de son pays, ne se tienne au-dessus des lois internationales. En renforçant l'autorité de la CPI et en établissant des mécanismes clairs pour juger les crimes d'agression, le système judiciaire international pourrait devenir un outil de dissuasion contre les violations du droit international et contribuer, si ce n’est à une paix durable, à empêcher les agressions à grande échelle.


L'IMPÉRATIF DE JUSTICE POUR LA PAIX


La justice internationale ne peut plus être simplement perçue comme un idéal utopique, mais comme un pilier essentiel pour l'établissement d'un ordre mondial plus équitable et stable. C’était en 1945 (et c’est toujours officiellement) le rôle numéro un de l’ONU, et son fondement même. La capacité à juger les dirigeants responsables du désordre international demeure donc cruciale pour prévenir la répétition des abus de pouvoir. La mise en place réussie de tribunaux spéciaux a prouvé à la fois l’efficacité et l’importance de la justice dans le processus de réconciliation et de guérison des peuples. Près de 80 ans après la création de l’ONU, il est temps qu’un organe judiciaire évolue vers plus d’efficacité.


Afin de surmonter les défis posés par l'impunité et les défaillances des institutions existantes, il est impératif que la communauté internationale agisse de manière concertée. Cela nécessite une volonté politique renouvelée de refonder les mécanismes de justice internationale et de s'engager fermement en faveur du respect du droit international. L'adoption d'une convention internationale contre l'impunité, sur le modèle de la convention contre la torture, pourrait être un pas en avant significatif. Une telle convention obligerait les États à poursuivre ou à extrader les individus accusés de crimes internationaux graves, renforçant ainsi le principe de justice universelle.


Cet impératif nécessite des pistes sérieuses qui doivent être étudiées le plus rapidement possible. Les conflits actuellement en cours risquent de ralentir encore la volonté d'une réforme, et il y a fort à parier que rien ne sera entrepris avant des négociations de paix, notamment en Ukraine et au Proche-Orient. Des négociations qui ne devraient pas avoir lieu cette année pour le conflit russo-ukrainien (pas avant les résultats des élections européennes et américaines en tout cas) et qui devraient tourner autour de la question de la solution à deux États du côté israélo-palestinien, une solution qui, de toute façon, semble vouée à l’échec.


Malgré cela, quelques pistes de réforme devront être engagées au sein des instances internationales, parmi lesquelles :


L’Universalité de la CPI

Encourager davantage d'États à ratifier le Statut de Rome et accepter la juridiction de la CPI, y compris ceux qui sont de grands acteurs sur la scène internationale mais qui ne sont actuellement pas parties au Statut de Rome. Renforcer la coopération entre les États membres et la CPI, notamment en matière d'arrestation et de remise des suspects.


Indépendance et impartialité

Assurer l'indépendance totale des juges et des procureurs de la CPI vis-à-vis des pressions politiques, pour garantir des jugements équitables et basés uniquement sur les preuves.


Complémentarité et coopération internationale

Renforcer le principe de complémentarité, qui donne la priorité aux systèmes judiciaires nationaux pour poursuivre les crimes internationaux, tout en offrant le soutien international nécessaire pour mener à bien ces poursuites. Améliorer la coopération internationale en matière de partage de renseignements et d'assistance judiciaire pour faciliter les enquêtes et les poursuites.


Réformer le Conseil de Sécurité de l'ONU

Réviser les règles du droit de veto au sein du Conseil de Sécurité pour éviter que des actions cruciales en matière de justice internationale soient bloquées par les intérêts politiques de quelques États. Par exemple, un véto ne pourrait être autorisé qu’en échange de propositions concrètes de modification d’une résolution. Élargir le P5 : offrir un siège de membre permanent à un pays d’Afrique, un pays d’Amérique Latine et un pays d’Océanie.


Extension des catégories de crimes

Considérer l'expansion des catégories de crimes sous la juridiction de la CPI, notamment concernant le crime d'agression, en précisant les conditions sous lesquelles les dirigeants peuvent être tenus responsables de tels actes (parjure, fabrication de preuves…)


Mécanismes de soutien aux victimes

Renforcer les mécanismes de soutien et de réparation pour les victimes de crimes internationaux, en garantissant que la justice tienne compte de leurs besoins et de leurs droits.


Sensibilisation et engagement public

Améliorer la sensibilisation et l'engagement public autour des activités de la CPI et des principes de la justice internationale pour renforcer le soutien mondial.


Communication des rapports d’enquête

Mise à disposition gratuitement des rapports d’enquêtes rédigés par la CPI.


Financement et ressources

Assurer un financement adéquat et stable pour la CPI et d'autres mécanismes de justice internationale, afin qu'ils disposent des ressources nécessaires pour mener à bien leurs mandats efficacement.


Ces réformes visent à créer un système de justice internationale plus robuste, capable de tenir les dirigeants responsables de manière équitable et efficace, tout en respectant la souveraineté des États et en s'engageant vers une justice qui soit réellement internationale et non influencée par la politique ou le pouvoir. Alors que les défis auxquels est confrontée la justice internationale sont considérables, la nécessité de réforme et d'engagement en faveur de la responsabilisation est indéniable. L'édification d'un monde plus juste et pacifique repose sur la capacité de la communauté internationale à garantir que les actes qui menacent la paix et la sécurité globales ne restent pas impunis. La poursuite de cette vision nécessite non seulement des mécanismes juridiques solides mais également un engagement constant envers les principes de justice et de droit international.

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