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Maxime Coulet





Les terribles événements qui secouent le Proche-Orient ne se limitent plus à une zone géographique ; ils résonnent profondément dans le monde occidental. Ce phénomène n’est pas nouveau, mais il semble qu’à chaque nouvelle crise, les tensions s’intensifient. Paradoxalement, alors que certaines voix accusent l'Occident de négliger les conflits lointains, d’autres cherchent à étouffer celui qui aujourd'hui embrase les passions. Nous voilà plongés dans un duel manichéen où chaque camp se dispute le rôle du "juste" face à l'"oppresseur".


La communication autour des conflits internationaux n’a jamais été aussi cruciale. Elle s’est transformée en un levier stratégique aussi puissant que les armes sur le terrain. La nécessité de neutralité et de recul est impérative pour comprendre les dynamiques complexes des événements. Pourtant, ce que l'on observe n'est que polarisation. Nous sommes confrontés à un engrenage où les différentes parties, au lieu de dialoguer, multiplient les justifications les plus extrêmes, foulant aux pieds les règles internationales, voire banalisant des crimes de guerre. Ce n'est pas seulement un conflit israélo-palestinien ; c'est une remise en cause globale de la diplomatie internationale.



Il est désormais indéniable que le retour des derniers otages n'est pas un objectif prioritaire.


Dans ce chaos, il existe pourtant des règles en relations internationales, des leçons de l'Histoire qui se répètent inlassablement. La violence engendre l’humiliation, l’humiliation appelle la révolte, et la révolte nourrit une résistance. Cette impasse est flagrante. On a la désagréable impression que l'objectif de Tel-Aviv est ailleurs, et qu'il est glaçant. La proposition d’un "Grand Israël", avancée par Benjamin Netanyahu en septembre 2023, est passée quasiment inaperçue, éclipsée par l’attaque du Hamas quelques semaines plus tard. Pourtant, cette idée reflète une vision expansionniste dangereuse, qui nourrit la haine et alimente la spirale de violence. Il est désormais indéniable que le retour des derniers otages n'est pas un objectif prioritaire. Il s'inscrit en décalage complet avec la véritable finalité de l'opération : la destruction systématique, qui vise à un nettoyage ethnique de Gaza en expulsant les Palestiniens pour laisser place à de nouvelles colonies.


Le débat est si vif aujourd’hui parce que nous revivons les fractures du début du XXe siècle. Les droites nationalistes religieuses dominent non seulement en Israël, mais aussi en Europe, aux États-Unis, en Inde. Elles ont déjà prouvé leur capacité à embraser le monde. En Europe, leur montée a conduit à des tragédies indicibles, dont nous portons encore les cicatrices à travers deux guerres mondiales. Cette résurgence devrait être un signal d’alarme pour nous tous.



Les mêmes voix qui réclament l’isolement de la Russie de l’arène internationale se targuent de défendre Israël avec une ferveur aveugle. Devons-nous les accuser de russophobie pour autant ?


Cependant, il existe encore un espace pour le dialogue international : les Nations Unies. L’ONU, bien que critiquée et affaiblie, reste un forum indispensable. Ceux qui l'accusent d'antisémitisme pour avoir osé dénoncer des violations des droits humains se trompent. Critiquer un État pour ses actions ne signifie pas en condamner tout le peuple. Les mêmes voix qui réclament l’isolement de la Russie de l’arène internationale se targuent de défendre Israël avec une ferveur aveugle. Devons-nous les accuser de russophobie pour autant ?


On ne peut asservir une population sans conséquence.

Il est indéniable qu’Israël a subi une terrible attaque le 7 octobre, la plus meurtrière depuis l’Holocauste. Un an plus tard, les familles israéliennes pleurent encore leurs morts, et notre devoir est de compatir. Mais comment ne pas voir que cette tragédie était prévisible ? Le Hamas, malgré ses attaques terroristes, n’agit pas dans un vide politique. Gaza est sous blocus, la Cisjordanie connaît une occupation quotidienne, et la violence, toujours plus aveugle, trouve racine dans l’humiliation de tout un peuple. On ne peut asservir une population sans conséquence. Combien de 7 octobre les palestiniens, les libanais, les syriens, les irakiens ont-ils subis ? Doivent-ils, eux, accepter que leur sort soit toujours celui de la guerre ?


Penser que la destruction du Hamas ou du Hezbollah mettra fin au conflit est une illusion.

Les responsables de cette situation ne sont pas seulement ceux qui tirent les armes aujourd’hui. Ils sont aussi ceux qui, depuis des décennies, sabotent toute chance de paix, sont responsables de l'assassinat d'Yitzhzak Rabin ou ont permis au Hamas de se renforcer pour mieux diviser les Palestiniens. Ces mêmes hommes, aujourd'hui, cherchent à manipuler les médias, à invisibiliser les réalités de la colonisation, à détourner l’attention des conséquences désastreuses de cette guerre pour les civils palestiniens. Sur les plateaux des chaînes d'information occidentales, la même fureur guerrière se répand : Israël est le rempart contre l'islamisme radical, fléau du monde entier, et à ce titre, on lui octroie tous les droits, dont celui de s'essuyer sur le droit international.


Penser que la destruction du Hamas ou du Hezbollah mettra fin au conflit est une illusion. Une fois le Hamas disparu, un autre mouvement, peut-être plus radical encore, naîtra des cendres de cette haine accumulée. Loin d’avoir renforcé sa sécurité, Israël s’expose à des menaces toujours plus grandes. Depuis le 7 octobre, les sirènes d’alerte retentissent sans répit, et l’ouverture d’un nouveau front avec le Liban, face à Hezbollah mieux formé et équipé que le Hamas, laisse présager une guerre encore plus longue et destructrice, si cela est possible.


Cette guerre, comme tant d'autres, ne sera pas gagnée sur le terrain militaire. Les bombardements et les offensives terrestres n’apporteront jamais une solution durable. Tout comme la destruction du Hamas ne conduira pas à la paix, la répression d’un peuple humilié ne mettra pas fin à sa résistance. L’Histoire l’a démontré maintes fois : lorsque l’on refuse d’écouter les griefs légitimes des opprimés, on ne fait que nourrir la violence future.


Les grandes puissances qui se jettent dans l’arène, que ce soit pour des raisons stratégiques ou idéologiques, ont une responsabilité immense. Elles ne peuvent plus se contenter d’un rôle d’arbitre distant. La communauté internationale doit cesser de fermer les yeux sur les injustices structurelles qui alimentent ce conflit. Des règles ont été édictées pour éviter le chaos mondial après deux guerres terribles au siècle dernier, et ces règles ne peuvent plus être brandies à la carte. Il est impératif de retrouver un sens commun à la justice internationale et de refuser le deux poids, deux mesures, qui discrédite toute tentative de rétablir la paix.


La véritable sécurité ne viendra pas de la destruction d'un ennemi, mais de la reconnaissance d’un autre chemin : celui du dialogue, de la réconciliation et du respect des droits fondamentaux de tous les peuples, y compris celui des Palestiniens. Tant que cette aspiration sera ignorée, tant qu’une paix juste et durable ne sera pas à l’ordre du jour, la région restera piégée dans un cycle infini de vengeance et de haine.


Israël doit se demander : quelle paix désire-t-il vraiment ? Celle construite sur les ruines d’un peuple, ou celle qui émane d’un accord durable, où chaque nation, chaque communauté, peut exister dans la dignité et la sécurité ? L’avenir du Proche-Orient se jouera dans cette capacité à surmonter les traumatismes du passé pour imaginer un avenir commun. C’est là le défi, mais aussi l'espoir fragile que nous devons porter, car le prix de l'échec est bien trop lourd à supporter, non seulement pour les populations de la région, mais pour l’humanité tout entière.

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